dimanche 6 septembre 2009

Rencontre avec un gangster...

Cette nuit est vraiment bruyante. Les prisonniers se parlent entre eux (en argot incompréhensible...) à travers la petite trappe de leur porte de cellule. Je perçois une certaine excitation qui est probablement due aux convocations au tribunal de certains détenus. Les gardiens ne disent mot... 
 J'attend sagement l'après midi (que c'est long ces heures d'attente enfermé, ne rien faire...) et un policier vient me chercher dans ma cellule. Je récupère chaussures et veste et cette fois-ci : innovation ! Je me vois affublé d'une rutilante paire de menottes, mains devant, avant de monter dans la voiture de police. Boum ! Ça commence bien !... bonjour l'ambiance !...

Arrivés au tribunal , toujours par la petite porte, cette fois ci il y a la télévision. Une camera me filme rentrant dans le tribunal... voila, les menottes, c'était peut être pour les médias ?!... peut être pas ?!... bref !
Dès mon arrivée, Ray, mon avocat, me confirme que la réclamation de la compagnie aérienne s'élève à environ 22000$ US (le montant exact au centime près n'est pas encore connu) et que la justice canadienne me pénalise de 10000$ CAN à régler dans les 4 mois (pour l'amende canadienne seulement). Mais "bonne" nouvelle, je pourrais sortir de cellule aujourd'hui avant même de payer ces sommes. Enfin, la fin de l'enfer !

Avant de rentrer dans la salle d'audience, je suis "stocké" sans chaussures dans une petite cellule... une salle d'attente en quelque sorte, mais beaucoup moins sympa que chez le dentiste ! Et là, je découvre un jeune homme de 18 ans, tout excité, tournant en rond dans ce local exigu, qui attend comme moi son passage devant la cour. Je m'assois tranquillement et nous faisons connaissance... Je comprend alors que je suis vraiment de l'autre côté du mur !... pas du bon , hélas ! Il me demande ce qui m'amène ici et je lui raconte mon histoire... Il éclate de rire surpris d'un tel traitement pour un tel motif  ... Il a l'impression d'entendre un comte pour enfants qui se termine mal ! Je comprend sa réaction car vu de l'extérieur, mon aventure peut faire sourire... voire rire ! Enfin pas moi ! A mon tour, je lui renvoie la question : "mais qu'a tu donc fais pour être là ?". Là c'est déjà moins rigolo ... Il m'explique avec un accent qui m'oblige à le faire répéter de temps à autre, qu'il a braqué avec une arme un "coffee shop" avec un complice et qu'il a blessé deux personnes. Mais pourquoi ? ... "Pour de l'argent !" me répond il avec une sincérité désarmante. Whaoo !! Autant mon histoire l'a fait rire, que la sienne m'a laissé perplexe. Mais qu'est ce que je fais dans cette galère avec ce délinquant survolté entre ces quatre murs ?!...
Il m'explique aussi qu'il s'est rendu de lui même à la police car il avait des remords... Il risque deux années de prison ferme et il me demande : "c'est bien?" , je lui répond du tac au tac : "Non ! mais si tu t'es rendu, cela signifie que tu peux t'en sortir, fondé un famille, travailler, voyager"... On en vient à discuter religion, voyage, apprentissage de langue étrangères... Enfin, là vraiment, je suis sur une autre planète...
Par contre, un sentiment étrange me traverse alors l'esprit : du même côté du mur, on voit les gens qui se trouvent à l'intérieur d'un œil différent... Certainement pas d'excuse car son geste est grave et inacceptable mais de la compréhension dans une certaine mesure et aussi de la compassion... Je crois que je comprendrai dorénavant ce que signifie la dignité pour les détenus... Allez, on se reprend.!

Une policière vient à la porte du local et demande à mon colocataire (... provisoire et momentané) de cellule de s'écarter de la porte et de s'assoir car elle craint une réaction violente. Ce qu'il fait sans se faire prier. Elle me demande de l'accompagner dans la salle d'audience. Bizarrement, je 'n'ai droit à aucune mesure coercitive particulière (pas de menottes ni chaines). L'ambiance a l'air de s'apaiser...
Cette fois ci, le juge est présent ... Il me confirme les dires de mon avocat et précise que je suis relâché aujourd'hui sous surveillance jusqu'à demain après midi (jour du procès). Bon OK ! je pensais que le procès c'était aujourd'hui, mardi, eh bien, non !... faut croire qu'ils y prennent goût (...en tout cas pas moi !), on se revoit demain !! C'est l'annonce la plus chaleureuse que j'ai entendu depuis le début de ce cauchemar : je sors !! Yessss !... Donc "surveillance" signifie que je suis consigné dans une chambre d'hôtel (Ray s'occupe de trouver un hôtel "potable"!) de 19h à 7h du matin et que je dois aller "pointer" à la Police dans la journée...

Avant de repartir à la RCMP pour prendre mes affaires, je suis de retour dans le petit local où le jeune gangster est à son tour appelé pour son jugement. Dans son cas, il a droit aux menottes. Quand il revient dans la cellule, il me confirme sa peine: 2 ans de prison... Lorsque la sentence est tombée, sa famille était en larmes dans la salle d'audience. Et je le vois s'agiter au seul carreau blindé de la porte faisant signe à son complice qui se trouvait dans une cellule de l'autre côté du couloir, qu'il en prenait pour 2 ans. Ça n'avait pas l'air de l'affecter plus que ça !!... A 18 ans, les plus belles années d'une vie ! Quel gâchis !

Le retour à la RCMP: en voiture avec le jeune délinquant menotté et moi (libre) à l'arrière du véhicule de police.  Les gardiens et un policier me rendent l'ensemble de mes affaires, y compris ce qui manquait dans ma valise, sauf mon PC, mon PDA et le module Ecogyzer confisqués dans l'avion. Ils peuvent garder ces éléments jusqu'à 30 jours après le procès comme preuve.

Ray m'a réservé une chambre à l'hôtel Gander. Un gardien de cellule me propose de m'y emmener dans son véhicule personnel. Sympa ! Je lance un bon courage aux autres détenus et je file sans demander mon reste!
Dehors il pleuvait un fin crachin. La liberté est tellement appréciable lorsqu'on en est privé !

L'hôtel Gander: un hôtel très correct situé sur la route transcanadienne N°1, avec vue sur le lac Gander. Voila la vue de ma chambre.


Un lit, un vrai ! , une douche ! Enfin je respirais !... Un telephone : je vais pouvoir annoncer la nouvelle de ma sortie à mes proches...  Le bonheur de les entendre ! Mais il est deja presque 19h00. Couvre feu !!... Allez, bonne nuit (...une vraie cette fois ci !)

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